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Jacques

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Des besoins en autothéorie, à leur dépassement dialectique : des méthodes ?
* le: 11 juin 2006, 06:39:24 *
* Modifié: 26 août 2012, 08:41:45 par Jacques *
Toute théorie est d'abord une autothéorie.

Feu Michel Schiff s'était attiré beaucoup de haines de la part de nos collègues en sciences dures, en rappelant cette évidence :
"Je crois que mes collègues scientifiques le sont devenus à peu près pour les mêmes raisons que moi, par un choix fait à l'adolescence de fuir un certain nombre de bricoles et d'emmerdements liés aux relations humaines. Ce fut un choix de censure et de fuite."
Ma citation est infidèle quant aux mots, mais correcte sur le fond.

Tout théorie est d'abord une autothéorie, notamment par ses postulats subreptices.
En sciences humaines :
Sa Prophétique Sainteté Notre Seigneur Sigmund Freud a autothéorisé son grand besoin de blanchir la mémoire de son grand-père (ou oncle ? ou son père ? Je n'ai plus la source sous les yeux, Mikkel Borch-Jacobsen), ses frasques sexuelles et ses escroqueries financières...
Jacob Lévy Moreno, l'inventeur du psychodrame, a autothéorisé sa situation de juif migrant sans nationalité, né sur un navire d'émigrants en Mer Noire...
Adler a autothéorisé sa petite taille et les vexations que cela lui a values.

En sciences dures, Albert Einstein a longuement autothéorisé son besoin d'image paternelle juste, légaliste, impartiale, qui ne joue pas aux dés...

Les autres ne font pas mieux. Et les enjeux transférentiels sont souvent colossaux dans les postulats subreptices de ces autothéories.
On devrait aussi prendre en compte les enjeux psycho-socio-politiques, il y a des zones bien glauques, de ce côté là. La Recherche avait consacré un article sur les ruses politiques du sociobiologiste Wilson, son jeu fourbe entre une version faible et une version forte de sa théorie :
- version faible, pour "passer" auprès des collègues scientifiques,
- version forte pour conquérir des appuis politiques dans les milieux réactionnaires, racistes et très nantis, et pour en obtenir des subsides confortables.

Citer
N'importe-quoi transféro-transférentiel, avec ou sans dieux.
  ...
 Voici un épisode tragi-comique de l'histoire de la Physique théorique.
 
A ma gauche, le champion Albert Einstein, qui proclame : « Mon papa, il est rationnel et légaliste, il ne joue pas aux dés, lui ! ».
 A ma droite, le champion Niels Bohr, qui lui réplique : « Ma maman, elle n'a jamais été rationnelle ni prévisible. Nous devons nous borner à ne lui poser que les questions qui lui agréent, et qui ne nous valent pas une paire de claques ! »,  et surtout pas d'où viennent les bébés !
 
  A ma gauche, Einstein reprend : "Mon papa, il n'est pas méchant, mais il est trop subtil pour ta maman !" (Subtle is the Lord).
 
  Vous aurez tous reconnus le débat qui opposait depuis le congrès Solvay de 1927, Albert Einstein à "l'Ecole de Copenhague", initiée par Born et Heisenberg, reprise par Bohr. Point culminant de la controverse en 1935, par l'article d'Einstein, Podoslky et Rosen, connu sous le nom de "paradoxe EPR".
 
 L'axiome d'indéterminisme de Born et Heisenberg, aussitôt adopté par Niels Bohr, leur était nécessaire pour marier
 1 - L'escamotage du caractère cyclique de tout quanton, et sa fréquence broglienne intrinsèque, d'où les contraintes de la transformation de Fourier,
 2 - l'axiome clandestin qui plaque sur le monde microphysique l'irréversibilité du temps macroscopique, à flèche univoque,
 3 - l'idée semi-clandestine du corpuscule maintenu, mais devenu farfadet paradoxal,
 4 - les expériences, qui pulvérisaient les deux axiomes clandestins ci-dessus.
 5 -  Et pour maintenir leur confusion entre des échelles d'analyse colossalement incompatibles, avec l'observateur macroscopique au centre de l'image microphysique...
 
 
  Franco Selleri a ajouté d'autres détails sur les aspects "conflit de générations", en omettant toutefois de lier avec le climat spécial de l'après première guerre mondiale, cette immense boucherie sans aucun but de guerre (si l'on excepte les buts de politique intérieure et de guerre des classes : mater leur classe ouvrière et leur paysannerie, en les envoyant mourir au champ d'horreur).

Franco Selleri, chez Flammarion : le grand débat de la théorie quantique.

 

Des exemples de n'importe-quoi transféro-transférentiel, il y en a des tas, des quantités par individu, mais j'adore celui-là.

Dans le tout-venant, nous aurions une large proportion de mobiles antoedipiens, liés à l'indicible insécurité dans les premiers âges de l'individu.
Tel était le cas d'Adler, cité ci-dessus.
Pour les cas de Freud et de Moreno, on peut en discuter.
Voir notamment l'héritage, qui peut être raisonnablement oedipien, du fardeau antoedipien d'un parent, qui n'était pas forcément raisonnable.



Et maintenant ? Comment dépasser cela ?

Je serais évidemment très flatté, si je pouvais conclure par un auto-compliment dans le style "Sous la géniale direction du camarade Mao Zeu Dong, le Parti Communiste Chinois a su éviter tous les pièges du culte de la personnalité."...

On ferait mieux de se tourner vers le grand vaincu par les armées de Mao Zeu Dong, le Dalaï Lama, vers sa curiosité, son humour et son humilité à toute épreuve. Chef du bouddhisme tibétain, il se montre constamment supérieur au bouddhisme, le critiquant et le recréant au nom d'un humanisme universel, et au fil des rencontres qu'il sait accueillir ou provoquer. (1)

Un point solide dans la méthode, est évidemment la réflexivité. Elle a l'avantage d'être facilement mesurable par un analyste de contenu. Il est impliqué que cette réflexivité englobe aussi le domaine affectif, et pas seulement le domaine rationnel, sinon, bonjour les dégâts.

Mais comment se décentrer de sa propre affectivité ? Cela s'apprend, et comme presque toujours, cela s'apprend auprès des autres. Quoiqu'un peu cocasse, un principe de méthode avait été inventé par Fritz Perls, et reste pratiqué par les gestaltistes : le jeu des chaises. Vous adressez vos reproches et vos demandes à une chaise vide. Puis vous changez de chaise, et allez faire les répliques de l'autre. Le procédé est utilisé aussi en supervision de thérapeute : le superviseur joue le rôle du thérapeute, et le thérapeute supervisé prend le rôle du client avec qui il est bloqué.
J'ai réinventé cette méthode lorsque je n'ai plus supporté d'entendre Yves dire du mal de Claudette, et Claudette dire du mal d'Yves. Je leur ai prescrit que désormais, Yves exprimerait fidèlement le point de vue de Claudette, et réciproquement, et cela a calmé le jeu.

Mais tout cela ne me garantit en rien que moi, je vais réussir à déjouer les pièges de l'autothéorie.
Or je suis comme les autres : dans la situation qui est la mienne, j'ai constamment besoin de penser ma propre situation. J'ai même été sciemment handicapé, pour m'interdire de penser à moi-même, pour m'interdire de défendre mes propres intérêts, et m'interdire d'avoir aucun avenir. Le besoin est donc incontournable : pour théoriser en général, mieux vaut déjà autothéoriser au moins pour son propre usage. Il est même sain de soupçonner que les nombreuses astuces terroristes pour vous interdire non seulement de théoriser pour les autres, mais même de penser pour vous, ne sont mues que par la perversité. Le pervers est avide d'interdire aux autres toute pensée. Le sadique, dans sa volonté de vous contrôler entièrement, ne peut tolérer qu'une part de votre réflexion échappe à son contrôle. Il la prétend donc hors-la-loi, "péché d'orgueil", pour prendre un exemple chez les cathos.
 
En fait, les allers et retours constants entre l'autothéorie et la théorie à usage externe, sont indispensables, les allers et retours entre le travail critique, de vérifications scrupuleuses, et l'écoute affective, voire le rêve matinal. Exactement autant que les allers et retours entre l'expérimentation et la théorisation, entre la libre et audacieuse imagination et le crible de la critique, sont indispensables au théoricien en sciences dures. Il n'y a de dépassement dialectique que si déjà il y a dialectique.

Une autothéorie qui ne rendrait pas compte du boeuf qui écrase ma plume dès qu'il s'agit de rédiger un réquisitoire sur des truands qui nous nuisent personnellement, ou dès qu'il s'agit de rédiger une réclamation, de faire valoir un dû ou un droit, serait illusoire. Une théorie sur l'aliénation qui ne prendrait en compte les intérêts et les astuces tactiques de l'aliénateur serait une escroquerie, auto-escroquerie en l'occurrence, si j'en étais l'auteur, ou l'adhérent.

A suivre...


(1) Plusieurs années après, j'ai des doutes sur cet homme... Il semblerait que j'aie été abusé par ses dons de comédien politique.

Jacques

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Eloge de l'autothéorie
* Réponse #1 le: 11 juin 2006, 09:11:05 *
* Modifié: 28 septembre 2011, 03:11:04 par Jacques *
Eloge de l'autothéorie

Une théorisation est fausse si on peut exhiber un contre-exemple valide. Or ce qui est arrivé aux autothéoriciens féconds, tels que ceux cités plus haut, est qu'ils avaient dans leurs vies de nombreux faits dont les théorisations ambiantes ne rendaient pas compte, et que eux au moins ont pris en considération.


L'homme est un animal groupal et tribal.

Il en résulte qu'il y a peu de délires individuels, en comparaison des délires groupaux et tribaux, que les individus empruntent sans même s'en apercevoir.

En regardant les choses du côté du pire, là où le pire existe, il existe des professions où les fautes professionnelles individuelles sont minoritaires, comparées aux fautes professionnelles groupales et tribales pratiquées quasi-unanimement par ces mêmes individus.
Ce n'est évidemment vrai que de certaines professions, là où la déontologie professionnelle est très faible, où la cohésion de l'esprit de corps, ainsi que sa nature sadique et profiteuse, garantissent l'impunité totale envers les plaintes des clients, des administrés, ou des justiciables qui dépendent du bon vouloir et des malversations de ces professionnels.


Une autre implication est qu'il n'y a plus lieu de se laisser impressionner par l'anathème terroristement correct : "Gnaaah ! Tu fais encore une autothéorie à partir des faits que tu connais personnellement, donc tu délires !"

Il n'y a lieu de reconnaître aucune supériorité de principe aux autothéories de groupe ou de tribu, sur les autothéories individuelles. Galileo disait cela avec un mépris qui peut agacer ou vexer, mais qui reste justifié par la suite des événements en astronomie : "Mille chevaux de labour ne courent pas plus vite qu'un seul cheval arabe".

Les délires de groupe, de tribu ou de secte ne sont pas moins pathologiques que les délires individuels. En revanche ils peuvent très facilement être beaucoup plus dangereux, plus meurtriers. L'illusion groupale, le Moi Idéal de groupe ne produisent pas moins de violences et de dénis de la réalité que n'en produisent les narcissismes individuels, les Moi Idéaux individuels.

Les seuls critères valides pour y voir clair, demeurent les épreuves de réalité : faire les vérifications et les expériences.

En cas de doute, demandez donc où sont les résipiscences précédentes, où sont les publicités données aux rectifications d'erreurs précédentes, où est la discipline du doute méthodique.

En revanche, la présence du terrorisme intellectuel, du genre "Gnaaah ! Tu es un isolé, donc tu es fou ! Nous sommes tous/toutes contre toi, donc nous avons raison !" est un indicateur très fiable d'un Moi Idéal groupal pathologique, resté cramponné au fantasme de toute-puissance.



Très inachevé, à suivre.

Jacques

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Echelles de réflexivité en management.
* Réponse #2 le: 16 janvier 2012, 06:30:51 *
* Modifié: 16 janvier 2012, 06:43:12 par Jacques *
En management se pose naturellement une autre structuration : les degrés de réflexivité pratiqués par l'observateur-logicien, surtout s'il a des responsabilités managériales.
Petit résumé, présenté du point de vue du psychologue : http://jacques.lavau.perso.sfr.fr/Reflexivite.html

Malheureusement reste à faire la structuration en subjectivités.
Tentative :
Degré zéro :
"Tu es ceci, tu es cela ! Tu fais et je t'interdis de faire !..."
Degré un :
"Je ressens ceci."
Degré un et demi :
"Quand tu fais X, je ressens Y, et j'aurais préféré que tu fasses Z."
Degré deux :
"Quand tu fais X, je ressens Y, et j'aurais préféré que tu fasses Z. Mais toi que ressens-tu ? Que perçois-tu ? Que voudrais-tu ?"
Degré trois :
"Que ressentent-ils quand nous nous comportons comme cela ? Quelle dynamique va-t-il en résulter ?"
Le degré trois est aussi exigible en éducation parentale : Quel exemple donnons-nous ? Quels travers propageons-nous vers les générations suivantes ?
...

Difficulté : Et les manipulations perverses ? Je les place où et comment ?
Soit quand le prédateur manipulateur manipule les infirmités affectives de niveau zéro de l'autre, tout en lui déniant d'être un humain respectable.
Donc là aussi, il va falloir structurer à plat, à deux axes. Par exemple un axe prédation-altruisme.

Quand ce sera fait, voire éventuellement complété par une tierce dimension que je n'aurais pas encore perçue (sincérité-simulation ? Dislocation-cohérence ? Constance-instabilité ?), nous aurons en mains un outil d'évaluation des attitudes de nos dirigeants, et de leur (ir)responsabilité politique.

Jacques

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Re : Echelles de réflexivité en management.
* Réponse #3 le: 25 janvier 2012, 11:55:32 *
* Modifié: 26 août 2012, 09:11:54 par Jacques *
Citer
... éventuellement complété par une tierce dimension que je n'aurais pas encore perçue (sincérité-simulation ? Dislocation-cohérence ? Constance-instabilité ?), ...

C'est mal parti. J'ai foncé tête baissée dans de vraies difficultés : on ne sait pas faire, personne n'a encore fait ça.
Entre les instabilités temporelles à l'échelle du quart d'heure,
 les instabilités d'humeur à l'échelle du mois (flip-flop amour-désamour...), les entrées en psychose, les doubles morales genre juif/non-juif ou mongol/non-mongol, esclavagiste/asserviçables, robins/justiciables, les hypocrisies et félonies à l'égard de ses proches, les mythomanies, le charlatanisme, les perversités histrioniques, etc. etc. ...