L'individu a maintenant juste des droits, aucun devoir. Il n'est jamais responsable de ce qui lui arrive, c'est soit la faute du gouvernement, de la société, d'une maladie ou de la température. Et, pour s'en sortir, il ne peut rien par lui-même.
Ça s'apprend jeune. Les clignotants de l'autobus scolaire enseignent à chacun de nos enfants qu'il a le droit fondamental de se tirailler, lancer son sac d'école ou s'agenouiller en pleine intersection et à l'heure de pointe pour rattacher son lacet de chaussure s'il en a envie. Et si vous tentez de lui faire comprendre qu'il va se faire tuer, attendez-vous à être poursuivi pour violence verbale par ses parents, ou mieux, soupçonné de pédophilie.
Ses parents pensent eux-mêmes que c'est l'absence de barrières extensibles qui cause les chutes dans un escalier, l'absence de cache-prises de courant qui cause les électrocutions, l'absence de casque qui cause les accidents de vélo et l'absence de moustiquaires en fer forgé qui fait tomber leur enfant du troisième étage.
Ils pensent aussi que ce sont les ponts qui causent les suicides et que quand un conducteur inexpérimenté au volant d'un autobus mal inspecté tue 46 personnes à Saint-Joseph-de-la-Rive, c'est la faute de la côte et la loi de la gravité devrait être déclarée inconstitutionnelle. Ils le croient vraiment.
Les chroniqueurs de circulation ont maintenant la même croyance. Quand un véhicule dérape, prend le champ ou emboutit le véhicule devant, c'est la faute de la chaussée glissante, de la brume, du soleil, de travaux de voirie, jamais parce que son conducteur roulait trop vite, était distrait ou qu'il suivait de trop près.
S'ébouillanter la cuisse en échappant son café, c'est la faute de McDonald qui sert du café chaud. Les poumons, coeur ou gencives qui ressemblent à ceux des paquets de cigarette, c'est la faute des fabricants de tabac et l'endettement, c'est la faute de ceux qui donnent accès au crédit, au casino ou à la 6/49. Même s'il est apte au travail, l'individu est irresponsable. Réclamons pour lui des logements sociaux, des services gratuits, la solidarité de tous envers lui mais jamais sa solidarité à lui envers tous. Fluorons son eau.
Et si vous n'aimez pas ce que vous venez de lire, ne m'engueulez pas, c'est la faute de mon clavier. Payez-m'en un autre.
Pierre Légaré, "Solitudarité".
http://www.cyberpresse.ca/article/20071014/CPOPINIONS05/710140509/6976/CPOPINIONS05