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Jacques

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Ma femme est comme les autres. ? ? ?
* le: 12 octobre 2010, 05:51:34 *
* Modifié: 12 octobre 2010, 05:52:08 par Jacques *
Ma femme est comme les autres. ? ? ?


Une jeune femme qui avait eu toute une série d'aventures vint me voir. Apparemment, son mari n'était au courant de rien. Elle me dit qu'elle voulait que son mari prenne conscience de la situation afin qu'ils puissent soit rompre soit repartir sur de nouvelles bases. Je lui dis que je verrais son mari samedi à une heure de l'après-midi, et que je voulais qu'elle quitte la ville et ne revienne pas avant dimanche matin.

Lorsque son mari — appelons-le Gerald — arriva, il se mit à me rebattre les oreilles des mérites de sa si charmante épouse. Il n'arrivait ni à comprendre pourquoi ils se disputaient, ni à trouver ce qui n'allait pas.

Il parla de leur vie de couple, et il dit que chaque fois qu'il devait quitter la ville pour partir en voyage, sa femme se sentait seule, c'est pourquoi un de ses amis venait lui tenir compagnie. Il était content qu'un ami passe la voir, parce qu'il ne voulait pas que sa femme souffre de la solitude. Il fit allusion à un ami qui avait laissé un tube de pâte dentifrice sur le lavabo de la salle de bain. Une autre fois, il avait remarqué une vieille lame de rasoir d'une marque différente des siennes.

Il parlait de ces visiteurs comme s'ils étaient venus le samedi, étaient partis à l'heure du dîner, étaient revenus le dimanche pour s'en aller de nouveau à l'heure du dîner. L'ami et sa femme auraient bavardé et écouté des disques ensemble.

Il parla de la façon dont sa femme et lui entraient en relation et passaient leur temps à se heurter et à se quereller. Puis il fit allusion aux morpions que sa femme, qui était assistante sociale, avait attrapés dans un quartier pauvre de la ville. Il mentionna qu'au retour d'un de ses voyages, il avait trouvé chez lui des aliments destinés à la confection du petit déjeuner différents des denrées utilisées habituellement ; et la vaisselle qui restait après le repas pouvait laisser croire que sa femme avait pris deux petits déjeuners.

Il s'était mis à parler à une heure de l'après-midi, et à six heures, il finit par remarquer : « Vous savez, si ma femme était une femme comme les autres, je dirais qu'elle me trompe. »

Je demandai : « En quoi votre femme est-elle différente des autres femmes ? »

II dit : « Mon Dieu, ma femme est comme les autres ! » A ce moment-là, il manifesta un grand trouble, poussa des cris, agita les bras et reprit en détail tout ce qu'il avait raconté avant, le dentifrice dans la salle de bain, la lame de rasoir, les petits déjeuners. Il replaça chaque détail dans ce nouveau contexte.

Tout l'après-midi, j'avais espéré qu'il dirait quelque chose qui me permettrait de lui poser ce genre de question. C'est pourquoi je le laissai redire sans arrêt son histoire, en attendant qu'il fasse une petite remarque qui me permette de lui ôter ses oeillères. Après avoir admis que sa femme était « comme les autres », il lui était désormais impossible de continuer à voir les choses comme avant.

Je leur fixai rendez-vous pour le lendemain, et je les vis tous les deux ensemble. Je dis à l'épouse : « Pour l'instant, taisez-vous. Votre mari a quelque chose à dire. » Comme elle avait quitté la ville, ils ne s'étaient pas parlé, et je ne voulais pas qu'ils le fassent maintenant. Je voulais qu'elle se contente d'écouter.

Le mari reprit toute l'histoire point par point. Froidement, délibérément, il rappela la découverte du tube de pâte dentifrice et celle de la lame de rasoir, la vaisselle, les achats inhabituels de denrées destinées à cuisiner des plats spéciaux pour un de ses amis, et ainsi de suite. L'épouse restait assise en silence, manifestement triste et malheureuse. Elle était étonnée qu'il ait pu faire preuve d'autant de perspicacité intuitive.

Gerald se trompa aussi à plusieurs reprises dans sa version supposée des faits, et elle dut se résoudre à laisser passer ces erreurs parce qu'elle était obligée de se taire. Je ne voulais pas qu'elle se défende ou qu'elle modifie la situation. Elle voulait se défendre, mais au lieu de cela, son émotion se trouva investie dans cette idée : « Je ferais aussi bien de supporter cette gêne en guise de punition. » Elle se punissait elle-même avec l'arme que son mari lui présentait.

Après qu'il eut fini de parler, je dis à sa femme : « Allez dans la pièce à côté ; je vais demander à votre mari ce qu'il faut faire maintenant. » Je m'adressai seulement à lui. Elle, par son silence, elle avait implicitement reconnu les faits ; il savait à présent que tout était vrai. Il dit ; « Qu'est-ce que je dois faire ? » Je répondis : « Il faut que vous réfléchissiez bien. Voulez-vous rester avec votre femme, ou bien divorcer, ou vous séparer d'elle ? » II rétorqua : « Je l'aime énormément. J'aimerais tirer un trait sur le passé. » Je repris : « Vous parlez sans réfléchir. Et si vous reveniez me voir dans une semaine ? Pendant ce temps, restez séparés, votre femme et vous. Réfléchissez bien, mais tout seul. »

II rentra chez lui, et je suggérai à sa femme de s'installer à l'hôtel. Je leur donnai rendez-vous à chacun dans une semaine, mais ils ignoraient que c'était à la même heure ; chacun s'attendait seulement à me voir. Aussi se trouvèrent-ils pris au dépourvu.

Lorsqu'ils entrèrent dans mon cabinet, je posai la question que le mari aurait posée s'il y avait pensé. Je dis : « Avant de commencer cet entretien qui décidera de votre avenir, j'ai une question à poser : vous avez vécu à l'hôtel pendant toute la semaine dernière. Etes-vous restée seule dans votre lit ? »

Elle répondit : « J'ai été tentée à plusieurs reprises, mais je me disais que mon mari voudrait peut-être que je revienne. Je savais que j'avais envie de revenir, et je pensais que pour quelques minutes de plaisir, le jeu n'en valait pas la chandelle. »

Ils parlèrent peu des aventures qu'avait eues l'épouse, aussi est-ce moi qui dus poser les questions indiscrètes. Je m'adressai alternativement à l'un et à l'autre. Je dis : « Et votre ami Jack ? » II répondit : « C'était un de nos bons amis, mais la prochaine fois que je le verrai, je le prierai de ne plus remettre les pieds à la maison. » Je demandai à sa femme : « Et Bill ? » Elle avait eu des aventures avec une demi-douzaine d'étudiants ; Je remarquai ceux auxquels son mari attachait de l'importance, et je le questionnai à propos de ceux-là ; quant aux autres, c'est à elle que je posais des questions à leur sujet. Elle rompit avec eux.

Je désirais que l'affrontement ait lieu en ma présence, parce que je ne voulais pas qu'ils se mettent à discuter en reprenant leurs vieilles habitudes et leur ancien comportement. Il se serait dit : « Si j'avais dis ça... » et elle : « Si j'avais répondu ça... » Et les choses se seraient passées comme autrefois ; confrontés, séparés, puis confrontés à nouveau, ils n'avaient eu aucune possibilité de se disputer, et l'intervention à chaud ayant été évitée, le calme entre temps était revenu. Cela n'avait pas été trop difficile de les empêcher de s'appesantir sur le passé — je voulais m'occuper de l'avenir et non pas du passé. Est-ce la fin de votre relation, ou s'agit-il d'un nouveau départ ? Si tout est fini, n'en parlons plus. Si vous commencez sur de nouvelles bases, comment envisagez-vous les choses ?

Ils repartirent ensemble, et il ne fut plus jamais question d'aventures extra-conjugales. Lorsque je les revis un an plus tard. Ils faisaient des économies et envisageaient d'avoir des enfants ; ils en eurent effectivement plus tard. Pendant plusieurs années, nous nous vîmes à l'occasion de visites amicales. Quelques années après, il m'arriva de bavarder avec lui, et il évoquait ses souvenirs. Il fit observer : « C'est à peu près à cette époque-là que j'ai découvert que mon épouse était une toute autre femme que ce que je croyais », et il prononçait ces paroles avec un certain amusement.

MHE, recueilli par JH.