Nous agissons pour la non-prolifération de la haine.
mardi 4 mars 2008 par Serge FaubertL'Église de scientologie affirme qu'elle n'a rien à voir dans la récente séquestration, en Italie, de la sour d'un scientologue français de haut niveau. Mais cette détention correspond, point pour point, à un « traitement » de choc prévu par la sciento, dont « Bakchich » révèle des documents internes.Un simple « drame familial » dans laquelle l'Église de scientologie n'aurait rien à voir. A en croire son porte parole, Danièle Gounord, c'est ainsi qu'il faudrait apprécier la séquestration pendant plusieurs semaines, en Sardaigne, de Martine Boublil, par trois scientologues, dont son propre frère Claude Boublil, aidés d'une quatrième comparse. Hélas pour elle, cette explication peut être remise en cause. Bakchich est en mesure de le révéler, le calvaire enduré par la victime ressemble furieusement à un programme de « soins » très particulier que la secte réserve à certains de ses adeptes. Probablement une coïncidence !C'est un détail dans l'entretien que Martine Boublil a accordé à nos confrères du Parisien, samedi 1er mars, qui a mis Bakchich sur la voie. La rescapée souligne l'étrange comportement de ses gardiens : « Ils ne m'adressaient pas un mot. Pour dire oui, ils clignaient des yeux, pour non, les laissaient ouverts. »Attitude qui n'a aucun sens. Sauf en scientologie. Ce mutisme est en effet au coeur d'une thérapie de choc dénommée « Isolation Watch ». Un « bulletin technique » de la secte, autrement dit une circulaire interne en date du 23 janvier 1974, détaille en ces termes la conduite à tenir : « En présence d'une personne en crise psychotique, isolez totalement cette personne, tous ses congénères étant à son égard complètement muselés (interdiction de lui parler) »Claude Boublil, un médecin pionnier de la scientologie en FranceCrise psychotique ! A l'évidence, c'est le diagnostic qui aurait été posé sur Martine Boublil par son frère, Claude Boublil. Ce médecin, aujourd'hui à la retraite, est un des pionniers de la scientologie en France. Il en a d'ailleurs gravi tous les échelons puisqu'il est OT8, le plus haut degré délivré par la secte. Seuls une dizaine de Français ont atteint ce niveau.Boublil est également l'un des vingt scientologues poursuivis dans le cadre d'une instruction ouverte en 1983 à Paris pour escroquerie, extorsion de fonds et exercice illégal de la médecine. En octobre dernier, le juge en charge du dossier a rendu une ordonnance de non-lieu. Celle-ci fait aujourd'hui l'objet d'un appel des parties civiles devant la chambre de l'instruction.Revenons à Martine Boublil. En juin 2007, comme elle l'a confié au Parisien, elle est internée à la suite d'une dépression sévère. C'est son second frère, Gilbert, lui aussi médecin, mais non-scientologue, qui a demandé son hospitalisation.Les deux frérots en bisbillesMais Claude, le frère scientologue, ne l'entend pas de cette oreille. Selon Martine Boublil, ce dernier lui fait quitter l'hôpital et l'emmène d'abord en Normandie, puis dans la Sarthe, et enfin en Sardaigne.Pourquoi la soustraire ainsi à des soins spécialisés ? La doctrine de la sciento permet, là encore, d'envisager une explication. Les scientologues tiennent les psychiatres pour les pires ennemis de l'humanité. Ils sont convaincus que les techniques de Ron Hubbard, le fondateur de la secte, sont les seules à pouvoir soulager et guérir les patients souffrant de troubles psychiques. Les quatre personnes arrêtées en Sardaigne ont d'ailleurs déclaré aux policiers qu'elles avaient retenu Martine Boublil pour son bien. Ça, c'est un traitement !Selon toute vraisemblance, celle-ci a été cataloguée dans la catégorie des cas les plus lourds : les PTS (acronyme de « source potentielle de trouble ») de type III dans le jargon scientologue. C'est pour eux que Ron Hubbard a élaboré le fameux programme « Isolation Watch ».Il est censé s'appliquer aux seuls adeptes. Or, en juin 2007, Martine Boublil n'était plus scientologue. Entrée dans l'organisation en 1978, elle l'a quittée en 1986. Mais, comme elle le confie au Parisien, elle n'a jamais complètement rompu les ponts, restant en contact avec plusieurs adeptes. Dont, bien sûr, son frère, autrement dit le noyau dur de la sciento. Celui-ci aura voulu la faire profiter des pouvoirs thérapeutiques que l'enseignement de Ron Hubbard est censé procurer aux plus chevronnés de ses disciples. C'est qu'il l'aime, sa chère soeur.Le programme de la sciento : « Personne ne doit parler à la personne »Pourtant, le programme « Isolation Watch » est des plus gratinés. La phase de rétention et de mutisme total prépare un endoctrinement progressif comme le précise une seconde circulaire de Ron Hubbard : « Durant son isolement, on administre à la personne un parfait programme d'introspection, échelonné en sessions de courtes durée, pour lui faire graduellement reprendre confiance. Entre les sessions, la règle du musellement est de rigueur. Personne ne doit parler à la personne ni à sa proximité »(1)Rassurons-nous, Ron Hubbard reste un grand humaniste. La circulaire prévoit que « Vient un moment ou le C/S - le « superviseur de cas », autrement dit le chef des geôliers - doit décider de relâcher la personne placée en isolement. »Mais, en scientologie, on ne s'en va pas comme ça. « Le C/S doit déterminer le niveau de responsabilité de la personne. Exemple : « Cher Joe, que peux-tu me garantir si on te laisse sortir d'isolation ? » Et il vaut mieux ne pas se tromper dans la réponse. Car « Si la réponse de la personne montre une irresponsabilité continue (.) le C/S doit informer la personne de son maintien en isolement et de la raison de ce maintien. »(1) Bigre.Et Ron Hubbard qui, décidément, a pensé à tout, détaille la marche à suivre. Exemple : « Cher Joe, je suis désolé, mais il n'est pas encore question pour toi de sortir d'isolement. Tes actions ont menacé indirectement des centaines de personnes et directement six familles dont les maisons ont été incendiées. Tu n'as pas conscience des effets que tes actes peuvent avoir et tu ne te sens toujours concerné que par ton propre intérêt. Tu dois quelque peu haïr la race humaine ». (1)Un député UMP a proposé la création d'une commission d'enquêteBref, plusieurs mois encore auraient pu s'écouler avant que Martine Boublil ne recouvre la liberté. Dans quel état de délabrement physique et psychique ?Le député UMP Georges Fenech, a proposé samedi, la création d'une commission d'enquête parlementaire sur la scientologie. Martine Boublil, elle, a annoncé qu'elle entendait porter plainte contre ses ravisseurs dès qu'elle sera de retour à Paris.En France, l'enlèvement et la séquestration sont punis de 20 ans de réclusion criminelle. La justice pourrait être tentée de faire découvrir à certains scientologues les joies du silence et de l'enfermement. Juste pour tester : ça ne peut pas faire de mal, d'après ce bon vieux Ron !(1) Introspection rundown. Bulletin technique 20 février 1974.http://www.bakchich.info/article2875.html